9782847952063
TRANSMISSION DE VIE
Date de parution : Septembre 2011
Éditorial
«J'ai découvert pourquoi le sexe existe, c'est parce que les humains ne vivent pas dans l'eau. Les poissons n'ont pas de relations sexuelles car ils n'ont qu'à pondre et fertiliser leurs oeufs sous l'eau. Les humains, c'est le contraire car on vit hors de l'eau alors il nous faut intérioriser l'eau, donc il nous faut le sexe.» C'est ainsi que s'exprime, dans le film Faux-semblants (Dead Ringers) de David Cronenberg, l'un des jumeaux Mantle encore enfant, et futur gynécologue...
Alors que l'Assemblée nationale réexamine actuellement les lois sur la bioéthique votées en France en 1994 puis 2004 (primauté de la personne humaine, non patrimonialité du corps humain, anonymat et gratuité du don), la théorie freudienne de la curiosité sexuelle infantile amène une mise en perspective critique, à la lumière de l'inconscient, quant à l'application simple des principes éthiques ainsi annoncés.
Mais, contrairement à ce que pensait Freud, cette curiosité est loin de ne concerner que la sexualité et elle vise tout autant la mort, cet événement incompréhensible à propos duquel les parents sont encore bien plus discrets. Si l’on considère que l’origine du Je est indissociable de celle de sa fin et que derrière la question «où est-ce que j’étais avant?» s’en profile une autre bien plus inquiétante: «Où est-ce que je serai après?», on comprend que la «scène primitive» puisse constituer pour l’enfant un équivalent de castration dans le domaine de l’identité qui cesse d’être une donnée évidente et acquise pour toujours.
Antérieurement à la représentation du coït et permettant aussi que l’enfant puisse à un âge aussi précoce que l’Homme aux loups s’en faire une idée, existe pour lui une image, un pictogramme, directement lié à l’expérience d’une partie de corps qui en pénètre une autre ou qui s’en arrache. Vie, mort, plaisir, souffrance sont des objets de connaissance qui commencent avec la sensation et qui vont accompagner en sourdine le décours de l’existence du sujet, à jamais irrattrapables par la connaissance mais la provoquant en permanence.
Comment dès lors ne pas s'intéresser à tout ce qui va s'infiltrer, en passager clandestin, dans ces pratiques de «fabrication des corps» si voisines, dans l'imaginaire groupal, de celles de l'apprenti sorcier? Le hiatus périnatal, la transparence psychique, le retour des ancêtres, l'infanticide, le premier amour, la découverte par des parents de l'ambiguïté sexuelle de leur nouveau-né...autant de situations cliniques parmi d'autres, où est présent le traumatique dans ses dangereuses rencontres avec la psychopathologie. À travers les «faits de société» qui accompagnent désormais la procréation humaine, et les interrogations éthiques qu'ils soulèvent, c'est la question des dimensions inconscientes des «transmissions de vie» qui nous interrogera dans ce numéro de Topique qui a été organisé et conçu par Francis Drossart.
Sophie de Mijolla-Mellor
Sommaire du numéro
• Le deuil infini des maternités sans objet
Monique Bydlowski
• Les pulsions épistémophiliques à l’œuvre dans les techniques de Procréation Médicalement Assistée
Francis Drossart
• Comment survivre à son accouchement ?
Drina Candilis-Huisman
• L’art de couper les oignons pour qu’un bébé advienne
Franck Dugravier
• Quand la transmission est dangereuse
Ouriel Rosenblum
• Essai sur le don de gamètes
Claire Squires
• Transmission de vie, accompagnement dans la mort
Aurore Plat
• Transmission de vie, trace d’existence à l’adolescence
Patrick Ayoun
• Survivre à une réduction embryonnaire
Sophie Bernard, Gérard Darnaud, Francis Drossart
• Impact de certaines procréations médicalement assistées (PMA) complexes sur le vécu de maternalité
Naïma Boukhalafa Hamdane
• Transmission de vie et rêve thérapeutique en psychothérapie transculturelle
Claire Mestre
• Figure, Figuration, Défiguration: «Les joues rouges» ou la transmission de la honte
Joëlle Rochette-Guglielmi
• Du principe de la «Mitsvah»: injonction, morale, ou éthique du vivant ?
Rachel Brami
• Mort périnatale : le deuil en kit
Sarah Stern
• Cruauté et transmission de vie. Les contes de fées de Charles Perrault et des Frères Grimm
Guillemine Chaudoye, Dominique Cupa, Maud Marcovici